Le vélo serait-il une affaire de citadins ? L’engouement pour la petite reine, massif dans les centres urbains, demeure beaucoup plus timide en milieu rural et périurbain. Comment expliquer cette croissance à deux vitesses ? La bicyclette peut-elle s’imposer comme un moyen de transport crédible sur tout le territoire ? Le point sur les disparités qui séparent vélo des villes et vélo des champs ainsi que sur les pistes à suivre pour garantir à tous un égal accès à la mobilité active.
Une croissance à deux vitesses
Dans les grandes métropoles, il fait désormais partie du paysage. Dans la tourmente de la crise du covid, les citadins ont massivement adopté la petite reine. Et, aujourd’hui, même si l’étau sanitaire s’est relâché, cet élan perdure. Selon les relevés publiés par l’association Vélo & Territoires en octobre dernier, la fréquentation cyclable en milieu urbain a augmenté de 12% entre 2021 et 2022. La hausse atteint même 16% à Lille, 19% à Grenoble et jusqu’à 23% à Strasbourg. Le vélo a durablement gagné en crédibilité. Auprès du grand public, il a acquis le statut de véhicule à part entière. Il est devenu l’instrument phare d’une mobilité plus sobre et active. En ville tout du moins…
Car hors des grandes agglomérations, la bicyclette n’a pas tout à fait suivi la même trajectoire. Certes, avec le covid, la pratique s’est accrue. En périurbain, la fréquentation cyclable a augmenté de 14% entre 2019 et 2022. En milieu rural, elle a progressé de 15%. Mais dans le même temps, elle décollait de 37% dans les villes ! Surtout, la dynamique semble avoir subi un coup d’arrêt depuis la « normalisation » de la situation sanitaire. Entre 2021 et 2022, la pratique du vélo a reculé de 2% hors des zones urbaines.
« Développer le vélo en France n’est pas réservé aux villes ou agglomérations »
Comment expliquer ce développement à deux vitesses ? Les distances, supposées être plus longues à la campagne, sont régulièrement décrites comme un obstacle majeur à l’usage de la bicyclette. Une idée reçue selon Chrystelle Beurrier, présidente de Vélo & Territoires. « Développer le vélo en France est l’affaire de tous les territoires et n’est pas réservé aux villes ou agglomérations. Nous le voyons, l’énergie coûte de plus en plus cher et pèse sur le budget des ménages. Dans les territoires peu denses, une grande partie des trajets du quotidien font également moins de 7 km. Le report modal y est donc aussi possible, si nous créons les bonnes conditions ! » Pour les distances intermédiaires, entre 10 et 25 km, le speed bike, assisté électriquement jusqu’à 45 km/h, peut constituer une alternative pertinente. Pour peu, là encore, que les aménagements permettant d’évoluer en sécurité soient suffisants. Si les infrastructures cyclables ont fleuri en ville, les milieux ruraux et périurbains restent largement sous dotés. La voirie, modelée par des décennies de suprématie de l’automobile, fait office de repoussoir. Bien entendu, pas question de supprimer la voiture de l’équation. Car son usage reste adapté à certaines situations tels que les longs trajets. Mais il s’agit de lui redonner sa juste place et de rééquilibrer les espaces de circulation pour que le vélo puisse exprimer tout son potentiel. Sans aménagements sécurisés et structurants, difficile d’envisager une croissance durable de la pratique.
Mais selon les associations de terrain, d’autres leviers doivent être actionnés simultanément. Comme l’interconnexion avec les transports en commun et le réseau ferré notamment. Dans l’écosystème de la mobilité rurale et périurbaine, la bicyclette a un rôle de de jonction entre les modes qui reste largement sous-exploité. Un autre enjeu, corollaire de tous les autres sans doute, réside dans la diffusion de la culture vélo. Dans les établissements scolaires, bien entendu, mais également en entreprise et surtout auprès des élus. C’est dans ce sens qu’a vu le jour, début 2022, l’Alliance pour le vélo, un collectif d’associations (Fédération française des Usagers de la Bicyclette, Vélo & Territoires, le Club des Villes et Territoires Cyclables et Marchables et l’Union Sport & Cycle) qui se fait fort de guider les décisionnaires publiques vers des politiques cyclables ambitieuses permettant d’assurer un égal accès à la mobilité partout en France. Car le vélo, écologique, économique, bon pour la santé est un instrument de justice sociale encore trop inéquitablement partagé.
Le nouveau plan vélo au chevet des territoires
Par l’intermédiaire du nouveau plan vélo, dévoilé en septembre dernier, le gouvernement semble déterminé à apporter sa pierre à l’édifice. « Nous allons continuer à lever tous les freins pour que le vélo soit présent dans nos déplacements du quotidien, sur tout le territoire. Pour cela, l’État s’engage à rendre le vélo accessible à tous les Français et en faire une alternative crédible et attractive à la voiture individuelle pour les déplacements de proximité », a commenté Clément Beaune, le ministre délégué chargé des Transports. Sur la table, 250 millions d’euros pour la seule année 2023, destinés à soutenir l’investissement des collectivités dans les infrastructures et le stationnement cyclable.
Le programme Avelo, mené par l’Ademe, est par ailleurs reconduit. Il accompagne à hauteur de 25 millions d’euros, les territoires peu et moyennement denses dans la mise en œuvre de leur politique cyclable. Une enveloppe de 6 millions d’euros est également allouée au développement du tourisme à vélo. Véritable poumon économique en zone rurale, le secteur se porte bien. En 2021, il représentait en France 4,2 milliards de retombées directes et 34 000 emplois. En 2022, la fréquentation des EuroVelo a bondi de 11%. Même loin des villes, l’avenir semble vouloir s’écrire à grands coups de pédale !