Économiste et urbaniste à l’Université de Lille, Frédéric Héran est auteur du livre Le retour de la bicyclette, une histoire des déplacements urbains en Europe de 1817 à 2050. Il nous explique ce qui constitue pour lui le « système vélo ».
Que signifie le « système vélo » ?
Pour faire du vélo, il ne suffit pas de pédaler ! Car il faut au moins pouvoir rouler sur un revêtement correct et à peu près en sécurité. Et si votre bicyclette connaît un ennui technique, vous devez pouvoir trouver un atelier où la faire réparer.
En fait, comme tout mode de transport, le vélo est un système, il faut :
- un véhicule en bon état et les services associés
- un réseau dense et continu, bien maillé
- des usagers capables de se servir de ce véhicule sur ce réseau et de respecter quelques règles
- un environnement accueillant et suffisamment sûr
Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que s’il manque un de ces éléments, le système ne fonctionne pas longtemps ou difficilement. Si la plupart des routes sont pavées, comme c’était le cas à la fin du 19ème siècle, il est très peu agréable de circuler à vélo. Et c’est pourquoi les cyclistes se sont organisés à l’époque pour réclamer une bande asphaltée sur le bas-côté des routes (l’ancêtre de la piste cyclable).
De même, s’il n’y a pas de réparateur et que vous êtes un piètre bricoleur, vous ne pourrez pas cycler plus de quelques mois et votre vélo finira au fond d’une cave.
D’où l’intérêt d’avoir un marchand de cycles qui propose du matériel correct !
Exactement. Le réseau Cyclable fait partie des vélocistes qui offrent des vélos et de nombreux accessoires de bonne qualité, assortis de conseils et d’un service après-vente efficace.
Ce faisant, il contribue évidemment à renforcer le système vélo, non seulement en répondant à la demande, mais aussi en faisant découvrir aux cyclistes l’étendue de l’offre actuelle.
On est loin de la logique de la grande distribution qui considère encore trop souvent le vélo comme un simple produit d’appel et qui, en vendant des vélos très bas de gamme tombant rapidement en panne, a plutôt tendance à décourager tous ceux qui veulent se mettre au vélo.
Avec un budget modeste, il vaut mieux acheter un vélo de marque d’occasion.
Le système vélo se développe aujourd’hui et contribue à accroître la pratique…
Oui, depuis quelques années, quatre cercles vertueux se sont mis à tourner :
1/ Un effet de parc :
Plus les vélos sont nombreux, plus l’offre de vélos et d’accessoires s’étoffe et peut être adaptée à la diversité des clients, ce qui renforce l’usage du vélo. Que l’on songe, par exemple, aux vélos cargos : plus il y en a, plus il est facile de trouver un fournisseur et réparateur, et plus il y en a.
2/ Un effet de réseau :
Plus le réseau des aménagements cyclables est dense, plus il devient efficace et attractif. Le territoire est rendu plus accessible, au point que le choix du vélo finit par s’imposer jusqu’à saturer le réseau qu’il faut agrandir.
3/ Un effet de club :
Plus la communauté des cyclistes s’agrandit, plus elle accède à des avantages spécifiques (comme le double-sens cyclable ou le laisse-le-passage au feu rouge), accroît son pouvoir d’influence et tend à imposer la pratique du vélo comme nouvelle norme de comportement.
4/ Un effet de sécurité :
Plus les cyclistes sont nombreux, plus ils sont en sécurité. On constate que, quand la pratique augmente, les accidents diminuent (ou s’accroissent moins vite). Car les cyclistes deviennent plus visibles, les aménagements sont plus nombreux, de plus en plus d’automobilistes sont aussi par ailleurs cyclistes et font donc plus attention… ce qui encourage en retour la pratique.
En outre, ces cercles vertueux se renforcent mutuellement, jusqu’à rendre la croissance de la pratique du vélo utilitaire irrésistible. Le mouvement a commencé dans le centre des grandes villes, et se propage désormais à la périphérie et aux villes moyennes.