Indemnité kilométrique vélo pour aller au boulot, un moyen de gagner de l’argent ?
Si le projet proposé dans le Plan d’Actions pour les Mobilités Actives marche et vélo (PAMA) se met en place (et il semble bien se mettre en place !), vous allez gagner de l’argent en pédalant. Mais avant d’observer les conséquences bassement pécuniaires, essayons de comprendre le contexte de la fixation du montant d’indemnité kilométrique vélo proposé à 0,25 € et les chiffres sur lesquels nous nous basons pour établir notre calcul.
Le budget annuel moyen d’un ménage français motorisé consacré à l’automobile s’élève à 5 700 euros soit 9,4 % du budget familial en 2010. La part de l’achat du véhicule est de seulement 2,6 % à mettre en regard avec les 6,8 % de frais pour son utilisation. Cette donnée comprend l’essence, l’entretien, les pièces détachées, le stationnement, l’assurance. Entretien, + carburant = 5,4 % du budget familial moyen soit 3274 € pour un kilométrage moyen de 12 316 km. Chaque km parcouru en voiture coûte donc en moyenne 0,27 € (hors investissement initial ou leasing) ou 0,46 € tout compris (glurps, on travaille 1/3 de sa vie en moyenne pour financer ses déplacements en voiture). Pour les urbains et péri-urbains ou ceux qui ont des trajets courts, ce chiffre est probablement encore trop optimiste.En effet, l’étude de l’Ademe sur la consommation de carburant rappelle que : « quand les trajets pour aller au travail sont courts (50 % font moins de 10 km), le moteur froid surconsomme et s’abîme prématurément. En zone urbaine, ce sont, en moyenne, 3 litres de carburant qui peuvent être consommés en plus aux 100 km, En termes de consommation d’énergie et de pollution, les embouteillages constituent la situation la plus pénalisante : la consommation d’un véhicule peut quasiment doubler et atteindre près de 16 litres aux 100 km, pour un véhicule de gamme moyenne« . Or les frais de déplacements domicile/travail sont pris en compte dans sa déclaration d’impôts pour réduire l’assiette imposable. Abandonner sa voiture et basculer vers le vélo pour ses trajets pendulaires signifie donc voir ses impôts augmenter. Enfin c’est délicat à calculer car on confond trop souvent la réduction d’impôts avec une prime kilométrique. La réalité est un peu plus complexe vu que les impôts baissent mais le coût des trajets automobiles est élevé (0,46 €/km au minimum). Les contribuables qui ne sont pas imposables tireraient un bénéfice plus important si une prise en charge des déplacements domicile/travail à vélo était mise en place car eux n’ont pas de ristourne sur leurs impôts. Ce qui est une bonne chose par ces temps de crise où sont touchées les classes les moins argentées.
Pourquoi créer des indemnités kilométriques vélo ?
Le Coordination Interministérielle pour le Développement de l’Usage du Vélo (CIDUV) publie en Novembre 2013 une étude intitulée Indemnité kilométrique vélo Les enjeux, les impacts qui argumente la prise en charge des frais kilométriques en vélo ainsi:
« Quoi qu’il en soit, le vélo souffre aujourd’hui d’un déficit d’image et de reconnaissance, qui constitue indéniablement un frein à son usage : on ne songe pas spontanément au vélo pour beaucoup de trajets sur lesquels il constituerait pourtant une solution pertinente. Aujourd’hui, les différentes prises en charge financières prévues pour les trajets domicile travail des salariés viennent renforcer le déficit d’image du vélo, en accréditant l’idée que le vélo ne serait pas réellement un mode de transport, à la différence des autres. La mise en place d’un dispositif consacré au vélo permettrait de corriger cette inégalité symbolique » (p.13).
Dans son édito de Mars, la Fub se demande pourquoi le taux a été fixé à 0,25 €/km ? « Pour faire mieux que les autres pays : 0,19 aux Pays-Bas ; 0,21 en Belgique ; 0,24 en Autriche ? Pour décider les indécis ? Pour copier le barème fiscal automobile qui rembourse 30 % de plus que le cout de revient réel du km (0,45 pour une dépense de 0,27 € selon la FNAUT) ? La réponse est un mix des trois puisque le coût d’usage moyen d’un vélo est estimé à 0,15 €/km ». Nous partirons donc sur un coût estimé de 0,15 € pour le coût kilométrique réel du vélo sachant qu’il sera forcément plus élevé pour un vélo électrique (25 centimes peut-être justement ?).
Les distances moyennes domiciles /travail
Sur quelle base nous sommes-nous fixés ? Une étude du CETE Nord Picardie constate que dans 50 % ces trajets dans la communauté urbaine de Lille font moins de 10 km aller simple. L’enquête Nationale Transports Déplacements (ENTD) conduite en 2007/2008 par l’INSEE indique que le vélo est le mode de 2,0 % des trajets domicile travail, et que ces trajets à vélo font en moyenne 3,4 kilomètres. L’estimation pour 2014 est supérieure de 20 % grâce au développement récent du vélo en ville soit 4,08 km c’est à dire 9,16 km aller/retour. Sachant qu’en vélo électrique il est tout à fait possible de parcours confortablement de longues distances, nous avons choisi de calculer nos estimations jusqu’à 40 km de trajets journaliers AR.
Le nombre de jours de circulation à vélo
L’année compte environ 220 jours ouvrés (+/15 jours). Nous avons choisi l’ hypothèse d’une utilisation à 80 % de son vélo. La pluie, le froid et la fatigue étant des facteurs réduisant l’utilisation du vélo pour les trajets « vélotaf ».
« Rendement » du pédalage
Nous allons pouvoir maintenant calculer le gain potentiel à partir de ces chiffres si notre entreprise nous donnait une prime de 0,25 € par km parcouru à vélo pour aller travailler. Le gain annuel pour la distance moyenne de 9,16 km (80% des trajets réalisées à vélo) serait de de 161 €. Les courageux qui parcourent 30 km AR recevraient 528 €. Si le coût kilométrique d’un vélo électrique est de 0,25 € (évaluation au doigt mouillé, faute de chiffres) alors la balance s’équilibre et le vélo est financé à 100 % par la compensation financière offerte par l’entreprise.
Dernière minute : test grandeur nature
Le site du magazine économique Challenges vient de publier un article sur les 19 sociétés qui participent à l’expérience grandeur nature mise en place depuis le 2 Juin 2014 pour les 6 mois à venir. Cette expérimentation concerne environ 10 000 personnes et elle permettra de savoir si ce projet d’indemnisation vélo va être généralisée en fonction de son efficacité. Qui prend le pari d’une généralisation de la mesure ? Note d’humeur : mince alors, que de chemin parcouru depuis la loi sur l’air de 1997… On va arriver à rattraper la part modale du vélo chez nos voisins nordiques. Les générations à venir remercient déjà tous ceux qui basculeront vers le vélo pour laisser l’auto à d’autres utilisations pour lesquelles le vélo est moins adapté.