Les aventuriers Quentin, Alexis et Vianney, lauréats du Concours Aventure Cyclable 2013 nous racontent des anecdotes de leur projet de voyage « L’Eldorado à vélo ».
Merci à eux d’avoir partager ces récits d’aventure avec nous!
Faites un tour sur leur blog.
Bonne lecture!
|
« Dimanche 10 novembre 2013, Tafilalet, Nord du Maroc. « Juste un petit geste, rien de plus », voilà ce que nous annonce Nabile au petit matin en amenant devant nos tentes une table ronde qu’il porte haut devant lui. Sa mère le suit, quelques pas en retrait, un grand plateau et une nappe à la main. Driss, son père qui ne parle pas un mot de français illumine la scène de son sourire radieux. « Un petit geste » nous répète Nabile. Nous comprenons rapidement que l’on ne va pas avoir besoin de sortir notre réchaud et nos galettes de pain pour le petit déjeuner, puisque celui-ci est servi à domicile par nos hôtes d’un soir. Ce n’est pas la première fois que nous faisons l’expérience de l’hospitalité marocaine mais si tôt dans la journée, c’est plutôt rare ! L’assortiment de pains, de crêpes, de miel, d’huile d’olive, de thé et de pâtisseries qui garnit le plateau portera sans conteste ce festin sur le podium des quelques 230 petits déjeuners que nous aurons d’ici la fin de nos aventures. Nous nous répandons en « Choucrane bsef » (merci beaucoup en arabe), ce n’est que la millionième fois en deux semaines.
230 avez-vous dit ? On vous doit une explication. Partis alors depuis près d’un mois et demi de Paris à vélo, nous sommes aux portes de Fès, une des magnifiques cités impériales du Maroc. Cela fait 3.500 km que nous roulons, cap au sud, par monts et par vaux, à travers notre chère France et la douceur de l’Espagne du mois d’octobre. Ce que nous savons mais que nous n’osons pas vraiment regarder en face, ce sont les 6 mois de voyage restant et les 10.000 km supplémentaires que nous avons prévu de parcourir… L’avion qui nous attend dans deux semaines à Casablanca nous emmènera avec tout le matériel à Buenos Aires où nous entamerons le plat de résistance de notre épopée. Le modeste programme consiste tout d’abord à rallier la Cordillère des Andes par une traversée de la pampa argentine en direction de Santiago du Chili. La suite est simple : remonter les Andes jusqu’en Colombie ! Nous clôturerons notre virée en deux roues par un prologue de réalimentation et de réadaptation hispano-français, de Madrid à Paris sur les bonnes vieilles départementales européennes !
Jeudi 6 févier 2014, sud de la Bolivie. Une des raisons qui nous a poussés à opter pour l’Amérique latine est la recherche d’une saison clémente durant ces quelques mois où l’hémisphère nord grelotte. Encore une fois, les plans géniaux de l’Eldorado à Vélo (notre nom de scène) vont s’accomplir à merveille ! « Je suis une carotte de glace » plaisante Quentin qui frissonne du fond de son duvet sarcophage malgré les trois couches de vêtements, c’est-à-dire toute sa garde-robe, qu’il porte cette nuit. Le vent et la pluie ne nous laisseront qu’un court répit pour reprendre des forces, mais notre état de fatigue nous fait vite sombrer dans un sommeil profond. Il faut avouer qu’on est allé chercher la difficulté en choisissant de traverser le très haut désert minéral bolivien du sud-ouest du pays alors que des routes plus hospitalières permettent de le contourner. Mais aux dires de tous, cette escapade périlleuse dans le Sud Lipez était immanquable ! Le lendemain, au milieu de nulle part à environ 4500 mètres d’altitude, nous nous demandons un peu ce que nous faisons ici à vélo. Notre inquiétude porte en fait sur le violent orage qui semble venir droit sur nous, nous obligeant ainsi à prendre le large sans plus de repos. La chance nous sourit enfin lorsqu’en fin d’après-midi, la silhouette d’un refuge se dessine sur les bords de la Laguna Hedionda. Cerné de volcans majestueux, l’endroit est à couper le souffle.
Nous frappons à la porte en quête d’un précieux ravitaillement en eau et surtout d’un petit coin pour installer les tentes. Le destin en décidera autrement puisque le gérant de l’auberge – se retrouvant seul dans son établissement à cause du pépin mécanique retenant le personnel à plusieurs heures de 4×4 de là – est trop content de trouver une main d’œuvre aussi providentielle pour nous laisser filer. Le deal est rapidement conclu, le gîte et le couvert en échange d’un sérieux coup de main pour mettre tout en ordre avant l’arrivée des touristes. De cyclistes crasseux, nous voilà blanchisseurs, de voyageurs SDF, nous voilà employés d’hôtel ! Au petit matin, après avoir soigneusement terminé jusqu’au dernier verre de jus d’orange et jusqu’à la dernière tartine abandonnée par des japonais qui ne connaissent par leur chance, nous enfourchons nos vélos et reprenons la piste du nord. « Je serais bien resté une semaine » grommelle Vianney qui ne n’est pas encore remis du petit déjeuner (enfin des restes) que nous venons de prendre ! Retrouver le goût des choses simples, mission accomplie.«