Le vélo électrique prend peu à peu sa place dans le paysage des villes de France. On l’observe de deux façons : les ventes de vélos électriques dans les magasins Cyclable, et plus simplement, l’observation et le comptage du trafic lorsque l’on se poste à la terrasse d’un café.
La part modale du vélo dans l’environnement urbain
Les enquêtes ménages réalisés par les collectivités publiques nous informent de la part modale du vélo, c’est-à-dire la part des trajets effectués à vélo dans l’ensemble des trajets effectués quotidiennement.
Le site EPOMM (European Platform On Mobility Management) recense cette information de la part modale du vélo pour les villes d’Europe, et singulièrement, pour les villes de France.
On y apprend qu’elle est de 3% à Paris, 2% à Lyon, 1% à Marseille, 3% à Bordeaux, 3% à Toulouse, 5% à Nantes, 2% à Lille, 4% à Grenoble, 1% à Nice, 4% à Rennes, 2% à Montpellier, 2%à Chambéry, 1% à Clermont-Ferrand, 1% à Saint-Etienne, 4% à Tours, etc.
Quels sont les facteurs qui favorisent l’usage du vélo en ville ?
- L’inertie du facteur culturel (quand tous mes amis utilisent un vélo, je vais naturellement être amené à utiliser un vélo…). Mais ce facteur est une conséquence de long terme des autres facteurs qui suivent…
- La sécurisation du trafic cycliste (pistes et bandes cyclables, modération de la vitesse du trafic auto)
- Les contraintes infligées à l’usage de la voiture particulière : difficulté pour se garer, difficulté à circuler.
- Le niveau socio-culturel de la population, et notamment le niveau d’enseignement initial : Les études ont démontré que les cyclistes sont à la base des gens plus éduqués que la moyenne (3 années d’études en plus que la moyenne des usagers des autres modes de transport !). De fait, on retrouve cette population chez les cadres et professions intellectuelles supérieures dans les grandes villes (27% à Paris, 10% à Lyon…) plus que dans les petites villes (1% à Limoges…). D’aucuns persifleront que l’on est en plein phénomène « bobo ».
Cela aide à comprendre les disparités : Strasbourg, ville de brassage intellectuel a depuis de longues années réservé une place privilégiée pour le vélo dans la circulation avec des pistes cyclables globalement bien pensées. La voiture est bannie du centre-ville depuis plus de 20 ans. L’esprit civique imprègne la mentalité alsacienne et favorise l’usage d’un mode de déplacement bien plus respectueux d’autrui que l’automobile individuelle.
Marseille arrive en dernière position à cause de l’inexistence de toute politique cyclable et d’une part modale des modes doux moins développée que partout ailleurs.
On peut noter que le facteur du climat mis en avant traditionnellement par les non cyclistes pour justifier le non usage de ce mode ne correspond pas à la réalité : le climat est bien plus favorable à Marseille qu’à Strasbourg…
Que vient apporter le vélo électrique dans ce paysage ?
Les ventes de vélos électriques et la densité de vélos électriques observée dans le trafic sont importantes à Lyon, Nantes, Paris… Elles sont faibles à Strasbourg, Marseille, Nice…
Observons au cas par cas :
Le développement du vélo électrique à Lyon :
Lyon est une ville avec deux collines bien connues : la Croix Rousse et Fourvière. La Croix Rousse à Lyon est caractérisée par une très forte densité de population, plutôt aisée. Les pentes à plus de 10% étaient jusqu’à présent un obstacle quasiment rédhibitoire à l’utilisation du vélo. L’apparition du vélo électrique a bouleversé la donne : à l’observation, un vélo sur deux observé à la Croix Rousse est à présent un vélo électrique.
La place du vélo électrique à Nantes :
Nantes est une ville plutôt plate et étendue contrairement à certains quartiers de Lyon. Même sociologie qu’à Lyon : de nombreux ‘cadres et professions intellectuelles supérieures’ parisiens se sont installés à Nantes pour y trouver une meilleure qualité de vie. La ville favorise clairement l’utilisation du vélo : Nantes a fait le choix du tram, mode de transport urbain de surface visant à prendre de la place à l’automobile, tandis que Lyon avait fait initialement le choix du métro, qui libère la voirie en surface au profit de l’automobile. Les Nantais plébiscitent également largement le vélo électrique. On observe également qu’un vélo sur trois circulant en ville entre 8h00 et 9h00 est un vélo électrique.
L’exemple de l’étalement urbain qui favorise l’usage du vélo électrique à Bordeaux :
Il semblerait que l’étalement urbain, comme à Bordeaux pousse les cyclistes à recourir à l’assistance électrique pour parcourir des distances plus longues.
La difficile percée du vélo électrique à Strasbourg :
Les Strasbourgeois, eux, semblent bouder le vélo électrique. A Strasbourg, on se déplace à vélo depuis toujours. La ville est peu étendue, mais dense. Le vélo est utilisé pour des trajets courts qui ne justifient pas d’assistance. Par contre, la densité de l’habitat fait qu’il est plus compliqué qu’ailleurs de garer un vélo à l’intérieur. Comme les vélos restent dans la rue la nuit, on préfère en cas de vol qu’il ne coûte pas trop cher.
Un début d’analyse de ces disparités sur l’usage du vélo électrique entre les villes françaises :
Le vélo électrique est plébiscité par des cyclistes primo-utilisateurs, ceux qui reporte leur usage de la voiture vers le vélo ou des transports en commun vers le vélo. Les cyclistes de longue date eux, n’ont jamais été découragés par des distances un peu longues et par du relief. Leur vitesse moyenne est parfois rapide et au-delà de 25 km/h, un moteur électrique n’assiste plus et ne fait qu’alourdir le vélo d’environ 8 kgs.
On peut distinguer trois catégories de villes :
- Les villes où l’usage du vélo est ancien comme Strasbourg. Tout le monde fait du vélo depuis toujours, tout le monde s’est toujours passé d’une assistance électrique d’autant plus facilement que la ville et plate et que les distance sont plutôt courtes du fait de la densité urbaine. Le vélo électrique à Strasbourg séduit donc les péri-urbains et les retraités ruraux.
- Les villes où le boom du vélo est récent voient apparaitre de nombreux nouveaux cyclistes chaque année. Une part importante d’entre eux fait directement le choix du vélo électrique. C’est particulièrement le cas de Lyon, Paris, Lille, Dijon…
- Dans les villes qui ne se sont pas encore éveillées à la bicyclette : Marseille, Nice, Saint-Etienne… Les nouveaux cyclistes sont encore peu nombreux, mais une part importante d’entre eux se tournent vers le vélo électrique. C’est peut-être justement dans ces villes que le vélo électrique bouleversera les habitudes de mobilité de la façon la plus radicale… Mais combien de temps cela prendra-t-il encore ?