Claude Marthaler est né à Genève en 1960, c’est un inconditionnel du vélo, qui a parcouru la planète en tous sens et nous a ramené de nombreux ouvrages, des conférences et des films qui font rêver… et réfléchir. Deux documentaires télévisuels lui ont été consacrés : La fin du voyage (2003) et Claude Marthaler, embrasser la Terre (2015). Son dernier ouvrage, Zen ou l’art de pédaler, a été publié aux éditions Olizane, en 2017.
De son exploration de cyclonaute autour d’un monde qui tourne plus ou moins rond, l’auteur rapporte une réflexion “vélosophique”, la quintessence même du voyage sur deux roues, qu’il transcrit avec poésie et humour. Il rend ainsi à la Terre sa vraie dimension, à la fois immense et intime. La juste mesure du monde.
Cyclo ergo sum
« Le vélo simplifie la vie et réenchante le monde. Bourlinguer, c’est ouvrir un chemin unique entre deux gerbes de poussière, se faire musique, ré-inventer la Terre et soi-même. Peut-être bien que le seul moyen de ne pas perdre son temps, c’est tout simplement de le prendre. Et comment faire autrement que de tourner comme notre bonne vieille Terre ?
Plein de grâce et sans cuirasse, le vélo accentue nos formes imparfaites et nos inclinaisons intérieures.
Moteur (de recherche) instinctif de notre propre existence, il nous transporte au propre comme au figuré, avec une efficience inégalée. Pédaler, c’est ressentir la notion d’énergie, notre appartenance au monde. Le vélo induit un état de flow, d’unité et d’interconnectivité apaisants. Sa pratique nous vide et nous permet ainsi d’accueillir le monde en nous avec plus de reconnaissance. Selle que j’aime nous place sur la sellette, véritable baromètre de nos états d’âme.
Le vélo élimine les toxines mentales et physiques, favorise la circulation des idées dans la tête et à travers le monde.
C’est un passe-frontières qui amplifie la conscience du mouvement vertical et latéral, intérieur et extérieur.
Bien assis, nous sommes conduits à un état cyclique de méditation. Le vélo symbolise le développement prometteur et durable, il rétablit une cohérence au milieu du chaos.
Circulez, y’a tout à voir !
A l’égal de notre corps humain, rien ne manque au vélo et rien n’y est superflu. Miraculeuse machine à (se) penser et à se (dé)penser, le vélo est une manière d’observer le monde.
Il nous donne à voir une autre perspective, à hauteur d’homme, privant notre esprit de toute fixation.
Le chemin s’ouvre devant soi et disparaît juste derrière.
La vie n’attend pas.
Aux yeux du voyageur, chaque lieu, chaque personne, chaque instant est un carrefour qui l’oriente. Mais un lieu ne naît véritablement qu’au travers d’une rencontre et devient important dès lors qu’on y a vécu quelque chose, ne serait-ce que de manière fugace. Chaque jour contient une vie, chaque pays un monde, chaque personne un destin.
Ce n’est pas de la réalité augmentée ou d’un monde soudainement arpenté qu’il s’agirait d’inventer, mais d’homme émerveillé à retrouver, comme l’achèvement absolu de la pensée. »