Pourquoi en France, seuls 3% des trajets quotidiens s’effectuent-ils à la force des mollets alors que la moyenne européenne dépasse le double ? Et si en plus d’un manque d’infrastructures et des risques de vol, il s’agissait aussi d’un problème d’éducation ? Le Plan vélo national, dévoilé par le Gouvernement en septembre 2018, mise, entre autres, sur la sensibilisation et l’apprentissage pour faire du vélo un « réflexe naturel », le fameux « savoir rouler » dès le plus jeune âge. La semaine nationale de la marche et du vélo à l’école et au collège, du 13 au 17 mai, s’inscrit dans cette réalité, au coeur des actions « mobilités actives » du Plan national.
Sur le terrain, associations, collectivités locales, enseignants œuvrent déjà dans ce sens. De nombreuses actions existent pour favoriser le développement de la culture du vélo et elles ne concernent pas que les enfants. Petit tour de France de ces initiatives qui placent la bicyclette au cœur des politiques de mobilité de demain.
Comment apprendre à faire du vélo adulte ? Une vélo-école dédiée à Lyon
Il n’est jamais trop tard. Apprendre à faire du vélo à l’âge adulte peut légitimement causer quelques appréhensions. Et pourtant, ils sont 200 environ chaque année, à Lyon, à découvrir le plaisir de pédaler grâce à la « vélo-école » mise en place par la Maison du Vélo. « Le dispositif s’adresse aux grands débutants, mais aussi à ceux qui ne s’estiment pas suffisamment en confiance pour évoluer en circulation », précise Marine Fabre, la directrice de la structure.
Pour assister à ces leçons de bicyclette, rien n’oblige à être propriétaire de sa propre monture. L’association lyonnaise fournit tout le matériel : gilet fluo, casque ainsi qu’un vélo pliant, plus pratique pour débuter.
Une fois les bases acquises dans le cadre sécurisé du parc de la Tête d’Or, l’apprentissage se poursuit dans la rue. « Le moniteur en profite pour passer en revue le fonctionnement des nouveaux aménagements urbains : sas vélo, cédez-le-passage ou double-sens cycliste », indique Marine Fabre.
« Pouvoir accompagner les enfants lors de la balade du dimanche ». Voilà la motivation de bon nombre des usagers du service. Mais la Maison du Vélo voit plus loin. Son objectif : redonner de l’autonomie aux élèves en leur offrant la possibilité d’utiliser le vélo comme mode de déplacement.
« On leur montre qu’il est possible de remplacer certains de leurs trajets quotidiens effectués en voiture ou en transports en commun par du vélo. »
En France, 109 associations appartenant au réseau de la FUB (fédération des usagers de la bicyclettes) proposent un dispositif de « vélo-école ».
Le challenge mobilité en entreprise pour réduire le recours à la voiture
Encourager chacun à laisser son automobile au garage pour ses trajets domicile travail. Voilà l’objectif du challenge mobilité organisé par la Région Auvergne-Rhône-Alpes auprès des entreprises, administrations et associations locales. Une journée par an, au mois de juin, les salariés sont invités à relever le défi en préférant la marche, les transports en commun, le covoiturage ou bien sûr… le vélo !
La Maison du Vélo est un des relais de l’opération au sein de la métropole de Lyon.
« Nous proposons différentes initiatives. Organiser un vélo-bus, faire intervenir Cyclable Entreprises et JC Decaux pour évoquer Myvélo’v, une solution de location longue durée de vélos à assistance électrique ou tester du matériel en conditions réelles.
Notre objectif est de donner des idées pour changer d’habitude », explique Marine Fabre, directrice de la structure. Car tout l’enjeu est bien là. Faire en sorte que les comportements adoptés le jour J deviennent la norme toute l’année. « Cette journée est une fenêtre pour parler écomobilité et pour se questionner de manière ludique sur ses déplacements.
L’idée, bien entendu, c’est de viser le long terme. » Une initiative qui fait écho à l’actualité. Depuis le 1er janvier 2018, les sociétés de plus de 100 salariés doivent élaborer un plan de mobilité visant à diminuer les émissions polluantes et réduire le trafic routier. Ce contexte devrait confirmer le succès grandissant du challenge Auvergne-Rhône-Alpes.
Initié en 2011, il comptait 277 établissements participants contre 1846 en 2018 soit un total de 6800 heures de bouchons évitées pour cette dernière année. La formule a d’ailleurs inspiré d’autres territoires. Les Hauts-de-France ou la Nouvelle-Aquitaine organisent des opérations similaires.
Programme Alveole : mettre en selle les locataires du parc social
Où : Nantes, Besançon, Lyon…
La bicyclette, vecteur de mieux-être social ? C’est la thèse défendue par la fédération des usagers de la bicyclette (FUB) au travers de son programme Alvéole. Cette initiative qui s’adresse aux bailleurs sociaux permet aux habitants des logements HLM de retrouver une autonomie de déplacement grâce au vélo. Une opportunité pour désenclaver les quartiers isolés, faciliter le retour à l’emploi, réduire la facture énergétique ou encore simplifier la gestion du stationnement.
Le programme s’articule autour de deux volets principaux : une aide financière pour la réalisation de travaux d’installation de locaux vélos sécurisés et des séances d’apprentissage à destination des locataires. Ainsi sur le terrain, des associations relais prennent en charge les volontaires via leur « vélo-école », notamment.
Mais leurs interventions dépassent souvent le cadre de la seule remise en selle. Clémence Pascal, coordinatrice du programme au sein de la FUB parle de « coaching personnalisé ». « L’association Place au vélo, à Nantes, qui a travaillé avec le bailleur Habitat 44 a accompagné une dame qui ne savait plus faire de vélo. Elle était tellement enthousiaste qu’elle a souhaité effectuer les 12km la séparant de son travail en pédalant. On l’a orientée vers une solution de location de VAE proposée par la ville, puis on l’a aidée à tracer un itinéraire sécurisé passant par des parcs et le long de canaux. »
Dans toute la France, une trentaine de bailleurs sociaux ont pris part au programme en 2018. Celui-ci devrait être reconduit en 2019 et 2020 avec des ambitions revues à la hausse. Objectif, financer 30000 places de stationnement vélo et former 20 000 usagers à la mobilité à vélo.
Un vélo collectif en guise de ramassage scolaire
Quand pédaler redonne aux enfants l’envie d’aller à l’école. C’est l’effet S’Cool Bus à Louviers (27). « Ils sont 94% à être motivés pour se rendre en classe dans ces conditions contre 34% seulement en voiture », s’enthousiasme Nicolas Catarino, l’un des co-gérants de l’entreprise.
S’Cool Bus ? Ce service de ramassage scolaire innovant et écologique est actif depuis 5 ans auprès d’une centaine d’élèves d’une école primaire de Louviers, dans l’Eure. Sa particularité, utiliser d’étonnants véhicules à pédales venus des Pays-Bas, des vélos collectifs 9 places (8 enfants et un chauffeur), homologués au titre de cycles à assistance électrique. « Nous allons chercher les enfants devant chez eux dans un rayon de 5 km environ autour de l’école. Chaque pédalier est indépendant et les enfants participent à l’effort commun selon leurs capacités. »
Un dispositif gratuit qui contribue à diminuer la pollution et les nuisances aux abords des écoles. « Le S’Cool Bus n’est pas seulement un moyen de transport », assure Nicolas Catarino. « C’est un outil qui transmet des valeurs saines : esprit d’équipe, sensibilisation au développement durable, respect du code de la route, bienfaits du sport sur la santé. »
Ainsi, 52% des jeunes utilisateurs se sentent en meilleure forme qu’auparavant, 65% des parents jugent leurs enfants plus autonomes, mieux 86% concèdent avoir fait évoluer les habitudes de déplacements de la famille, essentiellement vers d’avantage de vélo.
Forte de ce bilan très positif l’agglomération Seine-Eure, qui finance le service, a décidé de passer à la vitesse supérieure. En janvier 2019, 10 lignes ont été ouvertes sur 6 communes du territoire. Plus de 400 enfants sont désormais en mesure de monter en selle sur le S’Cool Bus.
Un atelier participatif pour apprendre à réparer son vélo
Encourager les gens à devenir « vélonomes ». Ce mot-valise plait tout particulièrement à Florent Martinod, président de l’association Ranjé To Bisiklèt, implantée à Cayenne, en Guyane. L’an passé, la structure a ouvert un atelier participatif et solidaire d’auto-réparation baptisé la Kaz à Vélo. « L’objectif, c’est d’apprendre aux gens à réparer leurs vélos pour qu’ils ne se découragent pas face aux petites réparations habituelles et nécessaires. Nous mettons à disposition des outils, des pièces détachées et des conseils pour un prix modique. »
Avec une part modale du vélo de plus de 4%, Cayenne affiche un taux supérieur à la moyenne nationale. Mais selon l’association, le recours à la bicyclette est souvent subi dans cette agglomération d’outre-mer où 25% de la population vit sous le seuil de pauvreté. Dans ce contexte, la vocation de la Kaz à Vélo dépasse le simple enjeu mécanique.
Lieu d’échange et de convivialité favorisant la mixité des publics, l’atelier joue un rôle social manifeste. Les quelques 200 adhérents de l’association dont beaucoup ont moins de 18 ans réparent et s’équipent à moindre coût, mais découvrent également les vertus de l’entraide ou du recyclage. Une manière de sécuriser les déplacements sur deux roues et de diffuser des valeurs positives au sein de communauté. Dans toute la France, le concept d’atelier participatif a le vent en poupe. Le réseau Heureux Cyclage en recense plus de 200.
Le Plan vélo qu’est-ce que c’est ?
Le Plan vélo qui sera traduit dans la future loi d’orientation des mobilités (LOM) ambitionne de faire passer la part du vélo dans les trajets des Français de 3 à 9 % d’ici à 2024. Il s’articule autour de 4 axes majeurs.
La sécurité, avec notamment la création d’aménagements cyclables financés par une enveloppe de 350 millions d’euros sur 7 ans, la lutte contre le vol, l’incitation financière et le développement de la culture vélo.
Ce dernier volet vise, entre autres, à instaurer de manière systématique l’apprentissage des déplacements à bicyclette à l’école primaire. Objectif : faire des jeunes collégiens des cyclistes capables de rouler en autonomie et en sécurité. Le projet s’inspire de bon nombre d’initiatives éducatives locales, dont certaines sont détaillées ici, qu’il entend généraliser.
Education et vélo en quelques chiffres
- 3% la part du vélo dans les déplacements des Français
- 9% l’objectif fixé par le Plan vélo en 2024
- 7% l’usage moyen du vélo dans l’Union Européenne (UE)
- 25è le rang de la France dans l’UE
- Entre 2 et 10%, le nombre estimé de Français ne sachant pas faire de vélo
- 200 le nombre d’ateliers de réparation participatifs recensés par le réseau l’Heureux Cyclage
- 109 le nombre de vélo-écoles au sein du réseau de la FUB.