Retard, rupture de stock, pénurie… Voilà des mots que vous avez probablement entendus si vous cherchez à acheter un vélo neuf actuellement. Avec la crise sanitaire, le secteur du cycle fait face à une ruée mondiale sans précédent. Mais le vélo est-il à ce point devenu un objet introuvable ? Les experts Cyclable décryptent un marché sous tension et ont anticipé pour sécuriser les stocks de vélos pour leurs clients. Ils partagent leurs conseils pour dénicher au plus vite le vélo qu’il vous faut.
Comment les approvisionnements étaient-ils gérés avant la crise ?
Dans le marché du vélo, les approvisionnements s’organisent avec un système de précommandes annuelles. « Habituellement, nous passions des précommandes entre mi-juin et fin-juillet sur la nouvelle gamme. Il s’agissait, au cours de cette période, d’anticiper les ventes de la saison à venir selon les modèles, les tailles et les coloris, mais également de planifier le cadencement des arrivages. Pour viser au plus près de la demande, nous nous basions sur les résultats des années précédentes et sur notre estimation de l’évolution du marché », explique Fabrice Thimon, responsable du pôle approvisionnement chez Cyclable.
Les fabricants indexaient ensuite leur production sur ce prévisionnel de commandes. Les arrivages étaient programmés tous les deux ou trois mois selon la stratégie de rotation des stocks. Au printemps dernier, alors que les usines tournaient à plein, le virus, que personne n’avait pu anticiper, est venu détraquer cette machine bien huilée.
Pourquoi la crise sanitaire a-t-elle placé le marché sous tension ?
Avec les mesures de confinement, les sites de production, en Asie pour l’essentiel, cessent subitement leur activité. Pendant trois mois, les machines sont à l’arrêt. Quand les restrictions s’allègent enfin, les fabricants accusent naturellement un arriéré important sur les commandes à livrer. Mais un phénomène, imprévisible par son ampleur, va achever de les submerger. Le déconfinement déclenche une ruée mondiale sur le vélo. Les chaînes de production ne sont plus de taille à faire face à un marché du cycle qui vient d’entrer soudainement dans une nouvelle dimension. Le transit, au ralenti dans les ports, n’arrange rien à la situation.
L’engouement pour le vélo est-il si considérable que cela ?
Instrument efficace de distanciation sociale, le vélo s’impose comme une alternative crédible aux transports en commun ou au covoiturage. Jusqu’alors perçu comme un objet de loisir, il est plébiscité comme un instrument de déplacement à part entière… dans la droite ligne de la philosophie originelle de Cyclable ! Et les chiffres explosent. « En mai en juin qui sont déjà des fortes périodes d’activité en temps normal, la progression des ventes de vélo en France a bondi de 100% », explique Philippe Barichard, chef de marché chez Cyclable. « C’est le cas au sein de notre réseau aussi. »
Le phénomène dépasse, bien entendu, l’échelle nationale. Au niveau européen, ce boom du vélo se traduit notamment par une très forte croissance des ventes de vélos électriques qui passeront de 3,6 millions d’unités en 2019 à 11 millions en 2025 (source: CONEBI, ECF, CIE). Aux Etats-Unis, ce sont également les vélos à assistance électrique qui viennent dynamiser les ventes qui passeront de 500 000 quantités à 1,1 million.
Tous les fabricants sont-ils concernés ?
Le marché du cycle est totalement mondialisé. « Sur un vélo, on peut avoir une tige de selle qui vient de Taïwan, un dérailleur japonais, des pneus allemands, un éclairage français… », indique Fabrice Thimon. Les constructeurs sont donc dépendants des fournisseurs de pièces détachées basés aux quatre coins de la planète. Et certains sont particulièrement sous tension. « Généralement, les difficultés d’approvisionnement ne concernent pas les organes majeurs du vélo, mais des composants simples. Pour assembler un VAE, par exemple, on va pouvoir disposer du cadre, des roues, mais il risque de manquer un élément de transmission ou les plaquettes de frein. Pour certains composant simples comme des chaînes, les délais de livraison peuvent atteindre plus de 300 jours.
Tous les fabricants font donc face aux mêmes complications et à des risques de pénurie sur certaines pièces. Mais certains tirent mieux leur épingle du jeu. « Les gros acteurs ont la capacité d’occuper très tôt des lignes de production avec beaucoup de volumes. Leurs demandes sont donc traitées en priorité. Des groupes comme Derby, par exemple, pourront faire peser leur poids économique sur les fabricants de composants pour être servis les premiers. »
Quelles sont les conséquences sur les gammes 2021 et 2022 ?
A court terme, certains vélos neufs risquent d’arriver en magasin avec une configuration qui ne correspondra pas tout à fait à la fiche technique présentée sur catalogue. « Le vélo pourra être livré avec des freins, une transmission voire une motorisation légèrement différente », signale Philippe Barichard.
Compte tenu de la situation, la plupart des fournisseurs prévoient également une stabilité dans leur gamme entre 2021 et 2022. « Beaucoup de vélos seront reconduits en l’état à la saison prochaine. Les fabricants ne prendront pas le risque de jouer le jeu des millésimes avec des changements de coloris ou de composants. »
Quelle est la situation chez Cyclable ?
Acteur sur le marché du vélo depuis 15 ans, Cyclable a tissé, de longue date, des partenariats avec des fabricants de premier plan. « C’est un atout indéniable en ce moment ! Beaucoup de fournisseurs ont choisi, en effet, de ne pas ouvrir de nouveaux comptes pour privilégier leurs clients historiques. Nous travaillons notamment avec de grandes marques comme Trek ou Kalkhoff qui ont davantage de vélos disponibles », explique Fabrice Thimon.
Et la force du réseau ne s’arrête pas là. « Nous disposons d’un entrepôt qui nous permet d’avoir une capacité de commande en volume plus importante qu’un indépendant qui doit jouer avec sa trésorerie et sa place disponible en magasin. En ce moment, nous avons plusieurs centaines de vélos en entrepôt, qui s’additionnent aux stocks de nos magasins et à ceux que l’on a sécurisés directement chez nos fournisseurs », détaille le responsable des approvisionnements chez Cyclable.
Quels sont les délais pour avoir un vélo neuf actuellement ?
« Pour peu qu’il ne cible pas un modèle spécifique, nous pouvons satisfaire un client qui recherche un moyen de déplacement dans l’urgence en temps réel ou presque », assure Fabrice Thimon. « Notre philosophie consiste à orienter les clients selon leurs besoins. Plutôt qu’un vélo de la marque x et de la référence y, nous leur proposons une solution de mobilité adaptée à leurs usages et qui soit immédiatement disponible. »
Dans le cas où le modèle, le coloris ou la finition demeurent des critères de choix déterminants, alors la patience est de mise. Pendant plusieurs semaines voire plusieurs mois. « Jusqu’en avril généralement », indique Fabrice Thimon. « Actuellement, nous disposons de calendriers fiables pour informer sur les délais ».
Quoi qu’il en soit, il est impératif de réserver, sans tarder, pour sécuriser le vélo souhaité dans des délais raisonnables. « Même si l’échéance de livraison paraît lointaine, il faut commander pour se positionner au mieux dans la file d’attente », insiste Fabrice Thimon.
Dans combien de temps la situation va-t-elle revenir à la normale ?
Si le protocole sanitaire déployé lors de la seconde vague de l’épidémie a pu ralentir un peu les livraisons, elle n’a pas marqué un coup d’arrêt sur la production comme celle de mars dernier. Une éclaircie est donc envisageable au premier semestre 2021. « L’activité reprend progressivement, du constructeur de roulettes de dérailleurs jusqu’à l’assembleur final. Au printemps, les flux devraient se détendre et on pourra disposer de volumes de stocks plus importants », anticipe Fabrice Thimon.
Toutefois, le marché du vélo a changé durablement et en profondeur. « Il n’y aura pas de retour en arrière. Nous sommes sur une vague de long terme qui, au-delà de la crise sanitaire, est portée par la nécessité de décarboner l’économie », souligne Philippe Barichard. « Il ne s’agit plus de raisonner sur un calendrier annuel, mais d’avoir une vision à 5 ou 10 ans ». Une nouvelle donne qui impose à toute la filière de se restructurer et de repenser son organisation. « Chez Cyclable, nous mettons tout en œuvre pour donner de la visibilité à nos fournisseurs historiques. Nous nous sommes déjà positionnés sur des précommandes jusqu’à fin 2021 auprès de Moustache, Kalkhoff ou Yuba. Et nous nous apprêtons à faire de même pour 2022. Notre priorité est de sécuriser des stocks sur la durée », insiste Philippe Barichard. Objectif : pouvoir répondre aux évolutions rapides de la demande et conserver, en toute circonstance, une expérience client optimale.