Bon pour la santé, bon pour la qualité de l’air et le climat… Véritable couteau suisse des luttes sanitaires et environnementales, le vélo sauve des vies. Il joue également un rôle déterminant face à un fléau souvent sous-estimé : la pollution sonore responsable de milliers de morts chaque année.
Paradoxalement, le sujet ne fait que peu de bruit dans les médias et au sein du débat public. Souvent considérées à tort comme une simple gêne, un désagrément inhérent au fait d’habiter en ville, les nuisances sonores constituent, en réalité, une véritable bombe sanitaire. Le bruit tue… et dans des proportions considérables. En Europe, 12 000 décès prématurés par an lui seraient imputables selon l’Agence européenne pour l’environnement. Du trouble du sommeil chronique au risque accru d’infarctus ou d’AVC, un environnement sonore dégradé serait responsable d’affections qui concerneraient 20 % de la population européenne.
Les transports dans le collimateur
Au-delà des effets sur la santé, une exposition régulière à des niveaux sonores trop élevés impacteraient la productivité au travail et la capacité d’apprentissage des enfants. Un coût social estimé à plus de 155 milliards d’euros par an en France selon un rapport diffusé par l’Ademe en juillet 2021. Plus que la facture déjà colossale de la pollution atmosphérique évaluée en 2015 à un peu plus de 100 milliards d’euros par une commission d’enquête sénatoriale. Certes ce dernier chiffre date un peu et minore, de l’aveu même des rapporteurs, l’ampleur du phénomène, il laisse toute de même deviner l’envergure des préjudices causés par le bruit. Il invite surtout à considérer les deux problématiques avec le même sérieux. D’autant qu’elles partagent des origines communes. A commencer par le secteur des transports, celui de la route en tête. A lui seul, en France, il génère plus de la moitié des dommages liés au bruit, représente 63% des émissions d’oxydes d’azote (NOx) et, pourrait-on ajouter, constitue la première source de gaz à effets de serre, responsables du réchauffement climatique.
Le vélo, un couteau suisse pour assainir la mobilité
Un triple enjeu environnemental bruit, air, climat qui appelle une synergie dans l’action et la mise en œuvre de solutions transversales. « L’approche combinée air-bruit permet souvent de faire d’une pierre deux coups”, souligne l’Ademe dans un document sur le sujet adressé aux collectivités. Parmi les outils disponibles pour assainir la mobilité, le vélo, fait, en particulier, figure de couteau suisse. Silencieux, écologique et, en prime, bon pour la santé, il se montre efficace sur tous les tableaux. Et, bien qu’en plein essor, son potentiel d’action demeure encore sous-exploité. Dans les centres urbains, le report modal théorique de la voiture vers le vélo serait encore considérable. De près de 45% selon l’Observatoire des territoires. De quoi redessiner en ville, un environnement plus respirable et apaisé.
Sonnettes contre klaxons !
Car plus de vélos, c’est moins de pollution, atmosphérique ou sonore. En se substituant à la voiture, il chasse les gaz d’échappement, mais également les vrombissements des moteurs, le bruit du roulement des pneus et même celui des klaxons. Une nuisance loin d’être anecdotique si l’on en croit les résultats du Baromètre européen de la conduite responsable, publié par la Fondation VINCI Autoroutes et Ipsos. En France, 59% des automobilistes — et jusqu’à 70% en Ile-de-France — concéderaient utiliser leur avertisseur sonore de manière intempestive sous le coup de l’énervement. Pas sûr que les cyclistes soient aussi prompts à jouer de la sonnette !
Une alternative au scooter
En ville, le vélo offre également une alternative crédible aux deux roues motorisés responsables d’un part non-négligeable des nuisances acoustiques les plus nocives. D’autant que les scooters et motos échappent encore au contrôle technique, pourtant instauré cet été, mais immédiatement suspendu à la demande du chef de l’État pour ne « pas rajouter des contraintes » en pleine crise sanitaire. Tout aussi efficaces en zone urbaine, aptes au transport d’un passager, les longtails, par exemple, disposent d’arguments sérieux pour venir chasser sur les terres de leurs cousins fumant et pétaradant.
Changer de mentalité
Bien sûr, le vélo ne peut à lui seul endiguer ces problématiques aux racines sociétales profondes. Mais il constitue un levier multifonctionnel, économique et facile à mettre en œuvre en association avec d’autres mesures : réduction de la vitesse, création de zones à faible émission, déploiement de radars acoustiques, renforcement des normes sur les véhicules… Surtout, il incarne l’indispensable changement de mentalité qu’imposent les enjeux environnementaux actuels. Bruit, air, climat, les trois visages d’une même crise qui ne pourra être résolue que par un changement profond de notre rapport à la mobilité et de notre façon d’habiter la ville. Dans ce contexte, le vélo est un premier pas à la portée du plus grand nombre.