D’un côté, le bikepacking, poids plume de l’aventure sur deux roues qui mise sur la vitesse, la spontanéité, la polyvalence. De l’autre, le « cyclotourisme » qui joue la carte du confort et de l’autonomie.
Atouts, contraintes, pourquoi, pour qui… On a soumis ces deux approches du voyage à vélo à un petit comparatif en huit points. Un match sans gagnant… A moins qu’une solution hybride, réunissant le meilleur des deux mondes, ne mette tout le monde d’accord. Car si elles empruntent des routes distinctes, les deux pratiques poursuivent le même horizon : s’évader derrière le guidon !
« Bikepacking », « cyclotourisme », de quoi parlons-nous ? Avant de comparer les deux disciplines entendons-nous sur les termes. Car, comme on l’a déjà vu sur ce blog, on compte, en la matière, presque autant de définitions que de pratiquants !
Ici, on a pris le parti de considérer les deux approches sous l’angle matériel. Ainsi de manière volontairement simpliste, le « bikepacking » désigne l’emploi de sacoches minimalistes munies de sangles ou de scratches, là où le « cyclotourisme » implique l’utilisation de sacoches latérales traditionnelles montées sur porte-bagages.
1. Légèreté, l’ADN du bikepacking
« Aller à l’essentiel », voici comment Stéphane Bosoni, gérant du magasin Cyclable de Dijon, résume l’approche bikepacking. Une quête de l’épure qui se traduit, en premier lieu, par l’emploi d’une bagagerie ultra-light. Compactes, souples, profilées, les sacoches dédiées à la pratique affichent, à volume égal, un poids bien inférieur aux modèles conçus pour le « cyclotourisme ». Près de trois fois moins s’il on compare une sacoche de cintre Apidura Expedition 14 l (275 g) à une sacoche Vaude Aqua Front de même contenance (790 g).
Dans cette logique minimaliste, adopter la solution bikepacking implique un effort d’allégement de l’ensemble de son équipement. « La discipline invite à s’interroger sur son rapport au matériel. Optimiser sa configuration est généralement le fruit d’une longue réflexion et de tâtonnements. Il y a d’ailleurs un petit côté « geek » dans la recherche de l’objet idéal qui est assez caractéristique de la pratique », explique Cyrille Dubois, gérant des magasins Cyclable de la Rochelle et de Rochefort. Un tarp, un bivy ou un hamac plutôt qu’une tente, une unique tenue de rechange, un tapis de sol taille enfant, une brosse à dent au manche coupé, du dentifrice sous forme de minuscules pastilles, à chaque bikepacker sa stratégie et ses astuces pour réduire le poids et l’encombrement de son paquetage.
2. Confort, le « cyclotourisme » loin devant
C’est le revers de la médaille de la solution bikepacking : une capacité de chargement réduite au strict nécessaire. « Le volume transportable reste limité », indique Cyrille Dubois. « A l’arrière, les sacoches acceptent en moyenne entre 8 et 17 litres, à l’avant une vingtaine de litres maximum et sur le cadre autour de 15 litres. »
Même si des pochettes additionnelles type top tube ou food pouch peuvent permettre d’embarquer quelques accessoires complémentaires ou un supplément de nourriture, la configuration bikepacking implique de voyager dans des conditions particulièrement sommaires. « Certains tirent leur plaisir de cette adversité, mais cela ne convient pas à tout le monde », prévient Cyrille Dubois.
Difficile en effet de composer avec cette contrainte logistique lorsqu’on voyage en famille, qu’on s’élance pour un périple de plusieurs mois ou tout simplement dès lors qu’on souhaite se ménager un peu de confort sur la route. « Avec des sacoches classiques, l’approche est plus épicurienne. On est moins regardant sur le poids du vélo et des bagages si cela rend l’expérience plus agréable », commente le gérant de Cyclable Rochefort et la Rochelle.
Une parure complète de sacoches Vaude Aqua, avant, arrière et guidon, autorise le transport de 80 litres de matériel. Un volume qui peut même être étendu avec l’utilisation d’un sac de type rack-pack ou tout simplement d’un sac à dos arrimé à l’horizontal sur le porte-bagages arrière. De quoi embarquer un équipement plus fourni pour améliorer l’ordinaire à l’heure du bivouac notamment : tente spacieuse, matelas gonflable épais, popote et ustensiles de cuisine divers, thermos, nappe et pourquoi pas fauteuils pliants, jeux de plein air voire instruments de musique… Des objets « plaisir » qui contribueront à dessiner les contours d’une itinérance plus douce.
3. Vitesse de déplacement, le bikepacking en tête
Enjeu de la chasse au gramme qui caractérise le bikepacking : conserver un maximum d’efficacité en selle. « La recherche de légèreté est motivée par un objectif : être mobile et rapide pour pouvoir accumuler les kilomètres en toute circonstance », détaille Cyrille Dubois. « En bikepacking, la dimension sportive est plus marquée », complète Stéphane Bosoni. « Beaucoup d’anciens compétiteurs lassés des courses sur route se mettent au bikepacking. Ils ne luttent plus contre le chrono ou contre les autres. Leur plaisir, c’est d’aligner les bornes. Le bikepacking, c’est un peu la performance de soi ! »
Et effectivement le développement de la pratique est étroitement lié à l’avènement des épreuves ultra. Ces courses sans assistance, de parfois plusieurs milliers de kilomètres, se sont multipliées lors de la dernière décennie dans le sillage du mythique Tour Divide aux Etats-Unis ou de la Transcontinental Race en Europe. Les concurrents de ces défis de longue haleine ont massivement adopté la solution bikepacking pour pouvoir couvrir, pour les meilleurs, parfois plus de 500 km par jour sans pour autant faire l’impasse sur leur autonomie.
4. Autonomie, l’autre point fort du « cyclotourisme »
Avec des sacoches traditionnelles, on réservera plus facilement de la place pour transporter de la nourriture. Pâtes, riz, semoules, légumineuses associés à quelques boîtes de conserves permettront d’être autonome sur le plan alimentaire pendant plusieurs jours. Pratique voire indispensable dans le cadre d’un périple impliquant la traversée de régions reculées ou désertiques. Idem pour l’eau. Plusieurs bouteilles d’1,5 litres trouveront leur place, sans difficulté, dans une configuration « cyclotourisme ».
La solution bikepacking offre, quant à elle, moins de latitude. L’utilisation d’une sacoche de cadre de grande taille condamne par exemple l’accès au porte-bidons. S’ils peuvent aisément être remplacés par des sacoches de cintre souples ou des supports de fourche, le stockage de l’eau n’en demeure pas moins particulièrement limité. De la même façon, une pochette de guidon ou top tube permettra de conserver à portée de main barres et fruits secs, mais pour un ravitaillement plus complet les bikepackers restent dépendants d’un retour régulier à la civilisation.
5. Polyvalence, le bikepacking à l’aise sur tous les terrains
Aller plus vite, aller partout, telle pourrait être la devise du bikepacking. Si cette approche minimaliste de l’itinérance à vélo permet d’allonger considérablement les étapes, elle facilite également les incursions à l’écart des sentiers battus. Légères et parfaitement intégrées à la géométrie du vélo, les sacoches n’affectent que faiblement le centre de gravité de la machine et les sensations de pilotage. « La bagagerie fait corps avec le cadre et avec le cycliste. Même chargé, on conserve une excellente maniabilité », explique Stéphane Bosoni. De quoi déverrouiller l’accès à des terrains difficilement praticables avec des sacoches latérales type monotrace accidentée ou chemins techniques. « Ce n’est pas un hasard si le bikepacking est étroitement associé à la pratique du gravel. Les deux activités jouent la carte de la polyvalence. Elles se marient parfaitement pour découvrir des nouveaux terrains d’aventure en pleine nature. »
6. Adaptabilité, avantage bikepacking
C’est l’une des principales raisons d’être de la solution bikepacking. Pouvoir partir en itinérance avec n’importe quel vélo ou presque. Grâce à leurs sangles et velcros, les sacoches s’affranchissent des porte-bagages et peuvent être arrimées simplement sur le cadre, le guidon ou la tige de selle. Plus besoin de disposer d’œillets de fixation pour partir à l’aventure. « Le bikepacking a un côté couteau suisse qui permet de transformer rapidement en machine à voyager un vélo de route, un VTT ou le vélo que vous avez au fond du garage », précise Cyrille Dubois. Avec des sacoches latérales, pas le choix, il faudra s’élancer au guidon d’un vélo équipé de porte-bagages.
7. Facilité d’utilisation, un autre bon point pour le « cyclotourisme »
Grâce à leur large ouverture et à leur forme cubique, les sacoches traditionnelles s’avèrent plus pratiques à charger que leurs cousines destinées au bikepacking. « Il leur manque ce côté fourre-tout très appréciable sur les sacoches latérales », explique Cyrille Dubois.
Un avantage qui se traduit également par une meilleure accessibilité. Rien de plus simple que d’ouvrir une sacoche guidon classique pour se saisir de son appareil photo par exemple. Le même exercice avec une sacoche bikepacking à fermeture par enroulement nécessitera une manipulation plus complexe. Si bien qu’on hésitera à l’effectuer dans la précipitation d’un arrêt de bord de route.
En termes d’accroche, la palme de la facilité revient là aussi à la configuration « cyclotourisme ». Une poignée de secondes suffit à fixer une sacoche sur un porte-bagages. En revanche, les dispositifs d’attache propres au bikepacking exigent, même une fois pris en main, des serrages et ajustements plus chronophages. A tel point que beaucoup de pratiquants font le choix de conserver leur bagagerie montée pendant toute la durée de leur voyage. Gênant pour ceux qui apprécient d’avoir toutes leurs affaires à disposition durant la nuit. Pour remédier à ce problème, certains modèles de sacoches, comme la Vaude Trailsaddle, disposent d’un système de fixation indépendant du bagage. Ce dernier peut donc facilement être retiré seul et embarqué sur le lieu de couchage.
8. Spontanéité, le bikepacking reprend la main
Moins d’affaires à emporter, c’est moins de temps à consacrer à la préparation des bagages. A condition d’être familier avec son setup, la solution bikepacking, par sa dimension minimaliste, est facile à déployer. Les voyageurs les plus assidus pourront même conserver en permanence leur matériel dans leurs sacoches pour être toujours prêts à tailler la route. Un côté « run and gun » qui plaira aux adeptes de la micro-aventure habitués à enchainer régulièrement les randonnées.
Avec des sacoches latérales et un équipement plus encombrant, le passage à l’action sera généralement moins spontané.
Conclusion : une solution mixte pour profiter du meilleur des deux mondes
Bikepacking ou cyclotourisme ? On l’aura compris, entre les deux approches, pas de vainqueur. Chaque solution offre une vision différente de l’aventure à vélo. A chacun de cibler, selon son profil, ses besoins, ses envies, le mode de portage qui lui convient. Rien d’ailleurs n’oblige à la radicalité en la matière. Les deux courants peuvent être associés pour faire éclore des configurations personnalisées à la croisée des chemins. « On peut piocher ce qui nous semble le meilleur dans chaque discipline et opter pour une solution hybride en phase avec notre pratique ou l’itinéraire qu’on a choisi », détaille Cyrille Dubois. Marier bikepacking à l’avant et porte-bagages à l’arrière ? Ou pourquoi pas des sacoches latérales et une sacoche de cadre ? On ajustera les curseurs en fonction de ses besoins en mobilité et de ses exigences de confort. S’il y a finalement un gagnant dans ce match, le voici : la solution à la carte !