Après le succès des éditions Picardie et Morvan, la Mad Jacques vélo a investi pour la première fois, fin juillet, les petites routes du plateau de Millevaches. Au programme, deux jours d’aventure en mode slow tourisme ponctués de belles rencontres et de fêtes de village. Cyclable était partenaire de l’événement et comptait même un représentant au sein du peloton. Ambiance !
« Rendre les joies de l’itinérance à vélo accessibles à tous ! »
Dans la lumière dorée du petit matin, Vincent, donne de la voix dans son mégaphone. Fiesta et bonne humeur ! Déjà, sur la ligne de départ, l’état d’esprit Mad Jacques est à l’œuvre.
Le chef d’orchestre de l’événement enchaîne les bons mots et les encouragements face à des groupes de cyclistes survoltés qui répondent à ses harangues par des éclats de rire et des applaudissements.
Tous les participants arborent une plaque numérotée sur leur vélo, mais les similitudes avec une course s’arrêtent là. Ici, pas de chrono, pas de classement, ni d’injonction à la performance. Juste le plaisir de rouler à son rythme en pleine nature en compagnie d’autres pédaleurs enthousiastes. « La Mad Jacques n’est pas une compétition, c’est une aventure ! », explique Vincent, entre deux vagues de départ successives. « Le principe est toujours le même : rouler ensemble jusqu’à des petits bleds un peu perdus pour faire une grande fête de village avec les habitants du coin. Notre objectif : rendre les joies de l’itinérance à vélo accessibles à tous !»
En associant vélo, trésors du terroir et esprit festif, les organisateurs de la Mad Jacques ont trouvé la formule magique. Après des succès retentissants en Picardie et dans le Morvan, l’événement qui surfe sur l’essor de la micro-aventure et de l’exotisme local, investit un nouveau territoire authentique et sauvage : le plateau de Millevaches. Lieu du grand départ : Limoges. En petits groupes, les participants s’élancent sur un sentier arboré qui longe le cours paisible de la Vienne. Une porte dérobée pour quitter la ville en douceur loin de la circulation !
La tradition cyclotouristique revisitée
Préserver le plaisir et la sécurité des Jacquots (surnom affectif donné aux participants de la Mad Jacques). Telle semble avoir été la priorité du traceur qui a concocté deux étapes éblouissantes à l’écart des axes fréquentés. Notre terrain de jeu : les routes reculées de Haute-Vienne, de Creuse et de Corrèze où le trafic est parfois si faible que la mousse reprend ses droits sur la chaussée. Pour satisfaire tous les appétits, deux parcours plus ou moins longs et accidentés, sont proposés chaque jour. J’opte pour la version « gros mollets ». Au programme pour aujourd’hui, une soixantaine de kilomètres et 1000 mètres de dénivelé positif jusqu’à Peyrat-le-Château, où sera dressé le premier grand bivouac de cette édition Millevaches.
Pour s’orienter, rien de plus simple. L’organisation fournit à la fois une carte papier et des traces GPS. De plus, des checkpoints jalonnent l’itinéraire tous les 15 kilomètres environ. L’occasion de remplir ses bidons, d’avaler une barre de céréale et de découvrir les trésors du patrimoine local. Car, à sa façon, la Mad Jacques revisite la tradition cyclotouristique. Si l’événement cultive son côté convivial et décalé, il s’attache également à faire découvrir les curiosités et lieux remarquables des territoires traversés. Et cette première étape est particulièrement riche en haltes culturelles et gastronomiques : passage par Saint-Just-la-Martel, capitale de la caricature et du dessin de presse, pause au Moulin du Got, pour s’initier à la fabrication du papier à la main ou encore pèlerinage à Saint-Léonard-de-Noblat, ville de Raymond Poulidor et du massepain, un biscuit traditionnel à base d’amande…
Rien ne presse sur la Mad Jacques. On s’attarde pour photographier un troupeau de Limousines qui broutent paisiblement dans la prairie voisine, on prend le temps à la table d’un bistrot de pays. Un ennui mécanique ? A la moindre crevaison, la solidarité cycliste joue à plein. On offre une rustine, on se file un coup de main. Et si la panne est plus sérieuse, des spécialistes accompagnent les participants en biporteur pour assurer l’assistance technique.
Tous les vélos, tous les niveaux !
On peut s’élancer en solitaire sur la Mad Jacques. On ne le reste jamais longtemps. Les longues chevauchées campagnardes sont propices au partage, à la discussion. Chemin faisant, on se fait des copains. Unique en son genre, le peloton bigarré est le cœur battant de l’événement, une curiosité en soi. S’y mêlent des experts du bikepacking au look de bourlingueur soigneusement travaillé, des cyclotouristes aux sacoches surchargées, mais aussi des rouleurs très occasionnels venus par défi personnel ou pour s’amuser entre amis. Certains ont exhumé des bicyclettes hors d’âge du fond du garage pour être de la partie, d’autres chevauchent fièrement de rutilants gravels de dernière génération !
Habituée des efforts longue distance, Valérie participe à sa deuxième Mad Jacques vélo. « J’apprécie le côté aventure dans la tranquillité », confie-t-elle tout en pédalant. « Mais aussi l’ambiance et le partage avec les gens. » Séduite par le concept de l’événement, elle a convaincu sa copine Anaïs de l’accompagner sur cette édition Millevaches. « Mon expérience du vélo est proche de zéro », concède cette dernière. « Mais j’ai une botte secrète : une petite assistance électrique ! »
L’aventure à vélo clé en main
Dans l’optique de rendre l’aventure accessible à tous, les VAE sont autorisés sur la Mad Jacques. Et ils sont particulièrement bienvenus sur le territoire accidenté du plateau de Millevaches. Sans être insurmontable, le relief qui modèle un paysage admirable de landes et de tourbières, impose tout de même quelques efforts soutenus. L’arrivée à Peyrat-le-Château n’en est que plus satisfaisante surtout quand le site de bivouac se révèle à nous : une vaste pelouse en périphérie du village baignée par un plan d’eau fraîche. Comme la plupart des Jacquots, je m’offre un plongeon salvateur en descendant de selle !
Deux options sont possibles pour passer la nuit sur la Mad Jacques. Apporter son propre matériel de camping ou voyager léger en louant une des tentes mises à disposition par l’organisation. L’aventure à vélo clé en main !
Pour le repas du soir, de grandes tables ont été dressées sur la place du village. Des associations et artisans locaux s’occupent de combler le déficit calorique des Jacquots affamés. Après la traditionnelle allocution du maire, la fête peut commencer. Danses folkloriques et disco mobile assurent l’animation jusqu’à la nuit tombée.
Faire des rencontres en pédalant
Jour 2. Les toiles de tente s’abattent une à une et bientôt le village champignon de la Mad Jacques a disparu. Les participants s’affairent à harnacher leur paquetage sur leur machine, puis, en grappes, rejoignent le centre du bourg où un petit déjeuner les attend. La nuit a été bonne, j’ai décidé de resigner pour le parcours « gros mollets ». Cette seconde étape s’annonce plus engagée. Au compteur 86 km et plus de 1200 mètres de dénivelé positif. Et on entre tout de suite dans le vif de sujet avec 7 kilomètres d’ascension jusqu’au resplendissant lac de Vassivière, haut lieu du tourisme en Limousin. Heureusement, la déclivité reste modeste et la bonne humeur générale donne de l’élan à tout le peloton. Pour valider le premier checkpoint, il faut franchir les eaux jusqu’à la grande île qui occupe le centre du lac. Après une légère descente dans un décor digne des grands espaces canadiens, un pont nous apparaît entre les arbres. Ouf, il ne faudra par ramer pour découvrir ce nouveau lieu insolite !
Comme annoncé, le parcours est accidenté. Mais la répétition des montées n’empêche pas de lier conversation. Je roule en compagnie d’Agathe et Gauthier, un couple venu de la région parisienne. « Nous voyageons régulièrement à vélo en autonomie, mais nous sommes aussi des adeptes de la Mad Jacques. Les deux approches sont complémentaires. Sur ce type d’événement, on découvre des sites qu’on n’aurait pas eu l’occasion de visiter par ailleurs et surtout, on rencontre d’autres cyclistes avec qui partager notre passion », explique Gauthier. « La Mad Jacques nous permet d’entrer en contact avec d’autres protagonistes de l’univers du vélo, des débutants comme des confirmés. C’est l’occasion de partager nos expériences et de s’enrichir mutuellement », renchérit Agathe.
Concours de « bike limbo »
Au fil des discussions, les kilomètres défilent sans qu’on s’en aperçoive et, bientôt, nous atteignons la dernière zone de ravitaillement installée au pied d’une chapelle isolée. De vieux vinyles grésillent sur un tourne disque hors d’âge. Une improbable caravane, stationnée au pied de l’édifice religieux, tient lieu de buvette de campagne. On y sert du kombucha et de grands verres de thé glacé. Une ultime pause fraicheur avant de rejoindre Treignac, le pittoresque village d’arrivée.
Fin de l’étape ? Pas encore ! L’organisation nous a réservé une toute dernière surprise avant de franchir la ligne. Une côte courte mais abrupte dont la déclivité culmine à 18%. De quoi terrasser la majorité des Jacquots qui parcourent les derniers hectomètres en poussant leur machine. Pour avoir une chance de passer, il faut balancer tout à gauche et jeter ses dernières forces dans la bataille. Au sommet, l’accueil est à la hauteur des efforts consentis. Chacun en termine sous les hourras des bénévoles. On raccroche les vélos, on redresse la tente. Ce soir, de nouveau, place à la fête avec en animation vedette l’incontournable concours de « bike limbo » (le jeu consiste à passer, au guidon d’un vélo miniature, sous une barre qui, à chaque tour, se rapproche du sol) ! Rideau sur cette folle échappée de proximité.
Prochain rendez-vous Mad Jacques, fin août, en Picardie.