Histoire du vélo pliant
L’invention du vélo pliant ne date pas d’hier ; et même si la technologie au niveau des modes de pliage a beaucoup évolué, les pionniers en la matière avaient déjà développé des solutions avancées afin de gagner en place.
Qui a inventé le vélo pliant ? Une paternité polémique
Ils sont plusieurs à en avoir revendiqué la paternité et les marques de vélos pliants leur doivent beaucoup :
L’anglais William Grout serait le tout premier à avoir conçu un grand bi pliant en 1878 ; cette première version est démontable (la grande roue avant se détache du cadre) et il faut en moyenne 10 minutes pour réaliser l’opération.
Mais le premier à avoir déposé un brevet serait Emmit G. Latta aux USA, le 16 septembre 1887. Son objectif : fabriquer un vélo dont le stockage est facilité et qui prend un minimum de place. Pour l’époque, sa réalisation est très réussie : il part d’un vélo classique et il parvient à finaliser un système de pliage avec une charnière qui articule les roues l’une vers l’autre. Il vend son brevet à la société Pope Manufacturing Company mais il ne reste malheureusement pas de trace de vélo fabriqué sous ce brevet.
Le vélo pliant au service de l’armée
En France, en 1892, c’est Charles Morel, un industriel du Dauphiné qui réfléchit à son tour à cette question.
En parallèle, Henri Gérard, crée à son tour un vélo pliant, souvent désignée comme la « pliante Gérard ». Le système de pliage se situe cette fois au-dessus du pédalier. Mais la technologie de pliage laisse à désirer et c’est alors que la rencontre a lieu : Charles Morel et le Capitaine Gérard se rencontrent, travaillent ensemble en se répartissant les tâches : Morel s’occupe de la conception et Gérard s’occupe de la distribution.
Le partenariat démarre sur les chapeaux de roues car ils présentent leur invention avec succès en 1894 au Salon du Cycle. Les commandes se succèdent l’année suivante, essentiellement auprès dans le domaine militaire (armée française, russe et roumaine).
Quelques années plus tard, c’est la séparation du binôme du fait de la promotion subite du Capitaine Gérard. La rupture est consommée.
C’est loin de nos préoccupations actuelles d’intermodalité que le Capitaine Gérard a développé sa « bicyclette pliante et portative » pour les militaires. Destinée à remplacer progressivement le cheval, elle est dotée de nombreux avantages :
- Un déplacement rapide
- Un portage simplifié sur le dos grâce à des bretelles
- Pas de difficulté de stockage
[caption id="attachment_15680" align="aligncenter" width="600"] Extrait catalogue Peugeot des années 1900 avec la bicyclette Gérard[/caption]
Le vélo pliant par Peugeot et Michelin
Le brevet est vendu à la Société nationale de la bicyclette pliante (SNBP) créée par Peugeot et Michelin. C’est le début d’une nouvelle aventure.
Fin XIXème, d’autres inventeurs se lancent dans la conception du vélo pliable, avec des mécanismes ingénieux pour l’époque : l’histoire retiendra notamment :
- William Crowe qui a déposé un brevet pour guidon pliant en 1899 sur son « cycle pliant Faun »
- Michael B. Ryan qui a proposé le vélo pliant Dwyer en 1896
A partir du début du XXème, les vélos pliants se développent partout en Europe, aux USA et jusqu’au Japon.
Le vélo pliant a été utilisé très largement pendant la première guerre mondiale, et notamment dans les régiments de parachutistes, qui pouvaient ainsi atterrir à peu près n’importe où et se déplacer rapidement au sol. Toutes les armées ont utilisé des vélos pliants pendant un temps : Italie, Suisse, Etats-Unis, etc… En Suisse, un régiment à bicyclette a été actif jusqu’au début des années 2000 !
Etrangement, jusqu’ici les roues sont le plus souvent du diamètre de celles d’un vélo classique. Dès 1909, la bicyclette pliante « Fongers », de marque hollandaise, utilise des roues de 16 pouces, mais c’est plutôt dans les années 20/30 que les inventeurs pensent plus systématiquement à réduire la dimension de celles-ci comme sur les vélos Katakura au Japon.
Rendre le vélo pliant plus compact, plus performant, plus esthétique
Ensuite, une longue phase sans évolution notable se passe ; c’est seulement dans les années 50/60 que le vélo pliant retrouve ses lettres de noblesse.
Le vélo pliant Louison Bobet nait dans une grande aventure familiale : Pierre Fonteneau avait acheté une fabrique de cycles à Nantes au début du siècle ; il crée la marque Stella, qui a pour volonté de proposer des vélos haut de gamme. Le champion cycliste Louison Bobet gagne deux fois le Tour de France sur un vélo Stella et devient l’emblème de la marque. Le vélo pliant éponyme portera son nom : le pocket-bi est l’une des dernières inventions de Pierre Fonteneau.
1975 est l’année de naissance du Brompton : vélo pliant légendaire créé par Andrew Ritchie. Il fait ses premiers croquis chez lui, tout près de l’oratoire de Londres, sur la Brompton road. Le nom de ce vélo pliant est tout naturellement trouvé ! Le véritable début de la production est lancé en 1981 et une usine est créée à Londres, dans le quartier de Brentford. Des boutiques Brompton Junction ouvrent dans le monde entier et ce jusqu’au Japon. Brompton est devenue une marque emblématique et fédère une communauté de passionnés autour d’elle.
De son côté, Alex Eric Moulton, Anglais lui aussi et ingénieur de formation, qui avait d’ailleurs croisé la route d’Andrew Ritchie, travaille sur un vélo démontable ; en effet, le principe même du vélo Moulton est qu’il est séparable en deux. C’est aussi le premier vélo pliant au monde qui possède une suspension. Elle améliore considérablement le confort du cycliste. Le premier modèle, le spaceframe sort de l’usine en 1979 alors et le modèle plus abouti, l’AMB (Alex Moulton Bicycle) voit le jour quatre ans plus tard.
Quelques années plus tard, David Hon, physicien de métier, lance avec son frère ses premiers vélos pliants sous la marque Dahon. C’est un inventeur, qui travaille plusieurs années chez lui à un concept de vélo pliant. Le siège de la société Dahon est en Californie ; elle a déposé plus de 200 brevets autour du pliage du vélo.
Plus tard, suite à une scission familiale, c’est Joshua Hon, le fils de David, qui part de Dahon et qui crée de son côté à son tour la société Tern, qui a son siège social à Taipei (Taiwan). Un accord est trouvé en 2003 et Tern est présentée pour la première fois au salon Eurobike en 2011. Le nom de la marque signifie la « sterne », une espèce d’hirondelle… un nom qui en dit long pour celui qui est finalement parti voler de ses propres ailes !
A la fin des années 90, Markus Riese et Heiko Müller, deux jeunes ingénieurs, créent un vélo pliant en alu. Ils déposent le vélo lors d’un concours de l’innovation, et le bien-nommé « Birdy » gagne le prix spécial du jury. Sa particularité : ce vélo est complètement suspendu et ce sont précisément ces suspensions qui servent astucieusement de pivot de pliage.
C’est aussi en 1991 que la marque de vélos pliants Bike Friday (une marque qui a son siège dans l’Oregon, aux USA) est née ; l’un des fondateurs de la marque, Hanz Scholz, part faire du trekking en Australie pour tester son premier prototype. C’est une réussite et la marque se développera quelques années plus tard, forte de cette expérience.
Le vélo pliant contemporain :
Le vélo pliant n’a pas beaucoup évolué depuis les années 80 : les brevets de pliage utilisés par les leaders du marché (Brompton, Dahon, Tern, etc.) sont toujours les mêmes. L’objectif pour les fabricants est d’améliorer encore les systèmes de pliage, la compacité, la performance de leurs vélos. De nouveaux brevets sont déposés chaque année. Cependant, l’aboutissement des recherches des fabricants ne permettra sans doute pas d’améliorer la compacité et le poids.
L’autre enjeu pour les fabricants est d’apprendre à diversifier leur gamme (vélo pliant de ville, vélo pliant de randonnée, vélo pliant loisirs, etc.). D’ailleurs, il y a sans doute encore beaucoup à faire au niveau de la performance et surtout de l’assistance électrique.
En effet, Tern lance en 2017 son premier vélo pliant électrique équipé avec une motorisation Bosch, le Vektron et le vélo pliant Brompton électrique est annoncé pour bientôt… Une nouvelle ère est arrivée !
Quel sera le vélo pliant du futur ?
Les bureaux de Recherche et Développement de nombreuses marques s’associent à des cabinets de designers afin de travailler ensemble à la création de nouveaux modèles. Le vélo pliant se prête particulièrement bien à cette volonté de « ré-inventer la roue » avec des conceptions innovantes au niveau des systèmes de pliage, notamment. Parmi les créations du futur, citons notamment :
- Le vélo pliant de l’Anglais Thomas Owen nommé le « One Bike ». Sa particularité : une fois plié, il ressemble à un objet quasiment complètement cylindrique.
- Le vélo pliant créé par le Tchèque Josef Cadek, dont l’ingénieuse géométrie permet de compacter les roues au centre du cadre.
Il n’en reste pas moins que chaque année, de nombreux fabricants présentent leurs innovations au Salon International du Cycle, Eurobike, mais que peu de ces inventions seront effectivement produites en série.